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INTERVIEW (Partie 1) – Toyotaro, Torishima, Nakatsuru à la Japan Expo 2025

La Japan Expo 2025 bat son plein, et l’événement qui marquera à jamais cette édition, c’est la présence de trois mastodontes de l’univers de Dragon Ball : Toyotaro (auteur de Dragon Ball Super), Kazuhiko Torishima (l’éditeur légendaire d’Akira Toriyama), et Katsuyoshi Nakatsuru (character designer, animateur, et directeur de l’animation sur DB, Z, GT, Super, Daima).

🌍 English Version here !

Avant de passer au déroulement de l’interview, je vous rappelle nos autres articles dédiés à Dragon Ball à la Japan Expo :

Organisation de l’interview

Nous avons pu nous entretenir dans une salle en privé pendant 1h30 avec Toyotaro, Nakatsuru, et Torishima pour une série de questions, auxquelles ils ont répondu dans une ambiance très décontractée. Nous étions plusieurs médias, et chacun a pu poser des questions. Par exemple, moi j’ai posé la question 9 sur les nouvelles technologies, la CGI, et l’IA dans l’animation et le manga (à lire dans la partie 2, qui sera publiée plus tard).

Les photos, ainsi que les prises de vidéos et de sons étaient interdites, ce qui rendait l’exercice particulièrement désagréable, parce que je devais rédiger mes notes comme un malade mental pendant que les réponses coulaient à flot. (Je ne comprends pas trop l’intérêt, parce qu’en nous forçant à écrire super vite, et sans possibilité de vérification, c’est le meilleur moyen de nous faire écrire des bêtises et de répandre de fausses informations, ce qui n’est pas dans l’intérêt des invités, à mon sens).

Maintenant, place à l’interview !

Interview Toyotaro, Torishima, Nakatsuru à la Japan Expo 2025 : PARTIE 1


Toyotaro : Comme vous pouvez vous en douter, Dragon Ball a eu une énorme influence sur moi étant enfant, mais si on enlève Dragon Ball, ce sont aussi tous les mangas que j’ai lu quand j’était enfant, comme Kenshin le Vagabond, Slam Dunk, et tous les mangas de cette époque là. Par contre, si un mangaka se contente uniquement de lire des mangas, ce n’est pas suffisant. Le monde des mangas est vraiment très étroit. J’ai été aussi beaucoup passionné par le cinéma, et d’autres standards. J’ai été un grand fan de Star Wars quand j’étais petit, et j’ai regardé pas mal de films hollywoodiens, par exemple la trilogie de Retour vers le Futur.

Torishima : Avant de rentrer chez Shueisha, je n’avais jamais lu de manga, donc je n’ai eu aucune influence venant de manga. J’ai été très passionné par les romans, et j’ai toujours adoré la littérature française, j’ai lu tout Stendhal. Et il m’est même arrivé de faire une pause de trois mois à l’université pour lire et étudier Proust, et notamment À la recherche du temps perdu (Note de DB-Z.com : C’est un roman de Proust). Donc je pense qu’il y a une très forte compatibilité entre moi et la France. J’aime aussi beaucoup le cinéma, je vais vous donner mon TOP 3 :

  1. Le Parrain (1972) de Francis Ford Coppola
  2. Vacances romaines (1953) et ma femme idéale est justement Audrey Hepburn avec les cheveux courts dans ce film.
  3. 2001 L’Odyssée de l’Espace (1968). Je trouve que c’est une œuvre fantastique qui prévoit assez bien ce qui nous attend avec les IA.

Nakatsuru : Comme Toyotaro, il a beaucoup été influencé par les mangas et les animés quand il était petit. L’ensemble des œuvres qui l’ont le plus marqué étant petit étaient les œuvres de Leiji Matsumoto – pas une en particulier – mais tout l’univers qui est interconnecté. Résultat : c’est à partir des œuvres de Leiji Matsumoto que Nakatsuru s’est intéressé à devenir animateur, et c’est en regardant des animations qu’on considère aujourd’hui comme des classiques, comme le Château dans le Ciel de Miyazaki, qu’il s’est intéressé au métier d’animateur.

À l’époque, il avait travaillé sur quelques œuvres d’animation de Leiji Matsumoto, mais c’était assez dur pour lui de s’établir en tant que professionnel en restant uniquement dans l’univers de Matsumoto, et c’est en devenant un animateur senior qu’il a rencontré l’œuvre de Toriyama, et artistiquement, c’est sans doute Toriyama qui l’a le plus influencé, et aujourd’hui encore, il travaille sous cette influence.

Torishima : Il est vrai que le problème démographique est un soucis pour l’ensemble de la presse japonaise. Ceci étant, il y aura toujours des enfants. Il faut continuer à encourager ces enfants qui nous ont soutenu jusqu’ici. Le problème, c’est que le Shonen Jump et l’ensemble des magazines de la profession ne font plus de manga pour enfant. Et à cause de ça, je pense que le futur du manga est sombre. Il y a de plus en plus de moyen de lire les mangas en ligne, sauf que l’accès est limité pour les enfants puisqu’ils n’ont ni de smartphone ni de carte bancaire.

De plus, quand on lit des mangas numériques, l’algorithme fait qu’on ne lit plus que le même style d’œuvre. Et donc, on arrive à un niveau où tous les mangas ont le même prix, la même direction artistique, le même goût : on n’a plus que des mangas Starbucks ou des mangas McDonald’s. Le manga japonais a perdu de vue l’idée de construire des mangas avec une identité artistique individuelle. Et je pense que chez Shueisha, s’il y a des rédacteurs de magazines qui voient les données, mais qui n’en tiennent pas compte, et qui désobéissent à l’orientation des éditeurs comme moi dans le passé, alors la situation est très risquée.

Torishima : Ce que je dis concerne le manga tout public, mais je pense particulièrement aux mangas qui sont orientés pour enfants, parce qu’actuellement, il y a un vrai problème : les enfants ne lisent plus de manga. Les rédacteurs du moment disent que les enfants n’arrivent plus à lire des histoires découpées en case. Et moi je leur réponds : c’est juste que le découpage de vos mangas n’est pas bon et qu’il est difficile à lire. Par exemple, les mangas de Toriyama avaient une visibilité qui était limpide. Si on prend One Piece, il faut que les enfants d’école primaire puisse le lire justement par rapport à ce découpage de case.

Ce n’est pas de la faute des mangakas, mais c’est la faute des tanto (les responsables éditoriaux) qui n’ont pas une technique assez forte des mangas en terme de lisibilité. L’une des causes, c’est que les éditeurs recrutent des gens qui n’ont toujours fait que lire des mangas. Si on ne recrute pas des gens qui ont des goûts plus diversifiés comme le cinéma et la littérature, on se retrouve avec des gens avec qui le monde va se rétrécir de plus en plus au fur et à mesure qu’on avance. Par exemple : Si on ne regarde que la TV (=les journaux TV), on ne connait que les zooms et les gros plans. Mais si on s’intéresse au vrai cinéma, on peut avoir tout un tas d’autres plans de caméra. Par exemple, Osamu Tezuka était passionné de cinéma, et il connaissait ces histoires d’angle, alors on voyait souvent ses personnages vu par le haut. Et donc je pense que les mangakas actuels sont moins bon niveau techniques qu’Osamu Tezuka.

Question 4 : Pour aller dans votre sens, Takehiko Inoue dans le film Slam Dunk The First, expliquait la différence qu’il a dû faire dans la mise en scène entre le cinéma par rapport au manga. Il expliquait qu’il a dû réapprendre son manga, et à réagencer les cases. C’est ce dont vous parlez ?

Je peux juste vous dire que je me suis ennuyé devant ce film. Les meilleurs moments n’étaient pas les meilleurs moments qu’il dessinait. Il a mis les personnages principaux de la BD de côté. J’ai vu ce film comme un film pour les fans de Slam Dunk à l’origine, mais qui n’était absolument pas construit pour créer de nouveaux fans de la série, et ça m’a vraiment beaucoup frustré.

Torishima : Je n’avais jamais lu de manga de ma vie, et quand je suis rentré chez Shueisha, on m’avait dit de lire d’anciens numéros du Shonen Jump. J’en ai lu plein, ils étaient tous nuls. Mon supérieur m’a demandé de classer les mangas de 1 à 10 et de mettre mes commentaires, et ensuite j’ai demandé à lire l’enquête des lecteurs de la semaine, et ce fut un choc. Le classement des lecteurs était l’inverse du mien. J’ai vraiment envisagé de quitter l’entreprise et d’aller regarder les offres d’emploi.

Et à côté de Shueisha, il y avait un bâtiment des archives, et comme ça m’embêtait de rester dans la rédaction, j’y allais pour faire des siestes. Et j’ai réalisé que comme c’était des archives, il y avait plein de mangas, alors j’ai décidé de tout lire. Le premier manga que j’ai trouvé intéressant était un shojo (= un manga pour fille). Je sais pas si vous savez, mais il y a un groupe qu’on appelle le « groupe des mangakas de l’année 20 de Shōwa » (des auteurs qui ont commencé leur carrière de mangaka en 1969, une année clé pour l’émergence d’un nouveau ton dans le manga, souvent plus adulte et subversif : Exemples notables : Keiko Takemiya (Kaze to ki no uta)) qui est apparu, et il y avait donc Keiko Takemiya, et des œuvres très approfondies avec des thèmes qu’on ne trouvait jamais dans les mangas à l’époque comme le sentiment d’amour entre des enfants, etc. J’étais très impressionné de voir ces thèmes très humanistes.

C’était il y a plus de 50 ans, à l’époque c’était très surprenant. Et le problème c’est que dans le Shonen Jump il y avait des mangas qui faisaient horriblement vieux jeu. Mais du coup c’est avec cette expérience dans les archives que j’ai appris qu’il existait des mangas intéressants et amusants, et surtout qu’il y avait des moyens de pouvoir le faire. Et c’est en cherchant comment faire un manga intéressant que j’ai rencontré Akira Toriyama. Ce sont ces auteurs là qui m’ont donné les indices sur comment faire évoluer le manga.

Toyotaro : Il faut savoir que nous avions deux modes de conception :

  • Dans ma manière de concevoir l’histoire de Dragon Ball Super, j’écrivais l’histoire, puis je l’envoyais à Toriyama qui regardait si c’était OK ou non.
  • Et à l’inverse, il y avait des moments où c’est Toriyama qui écrivait des histoires, puis il me les envoyait, je vérifiais si je pouvais les intégrer, ensuite je lui renvoyais ce que moi j’interprétais, et enfin il me répondait OK ou non.

Comme vous le voyez, il y avait déjà une bonne partie de l’histoire qui venait de moi, donc je ne pense pas que ce soit impossible pour moi de continuer l’histoire, mais je ne pense pas non plus que ce soit quelque chose de simple et facile.

Nakatsuru : Ma première impression était de savoir si j’allais être à la hauteur des attentes. Mais bon, avant de faire l’arc Majin Buu, j’avais déjà créé quelques personnages guest dans les épisodes, donc j’étais déjà un peu l’assistant de Minoru Maeda, donc je connaissais la charge de travail. C’est juste que ce n’étais pas facile de reprendre ses responsabilités. Ce n’était pas facile, mais il y avait un côté challenge qui fait que lorsque l’opportunité s’est présentée, je ne pouvais pas la refuser.

Torishima : Il faut rappeler que Nakatsuru travaille sur les œuvres de Toriyama depuis Dr Slump. C’était quelqu’un de très compétent, mais un animateur c’est quelqu’un qui doit reprendre le dessin de quelqu’un d’autre, et l’adapter à son trait. Et de mon point de vue de rédacteur, le taux de reproduction du trait de Toriyama par Maeda était de 80 %. C’était très bien, mais il manquait quelque chose. Par contre, le taux de reproduction de Nakatsuru est à 95 %. Il y a des plans où on se dit : « Mais ça ne serait pas Toriyama qui l’a dessiné ? ». C’est même déjà arrivé qu’Akira Toriyama tombe sur des dessins de Nakatsuru, et qu’il dise « Mais j’ai jamais dessiné ça ! ». Donc le seul animateur qu’Akira Toriyama ait reconnu, c’est Nakatsuru.

Nakatsuru : Merci. Je suis très honoré par cette parole, mais il faut dire qu’à l’époque de Majin Buu, on avait une armée d’animateurs qui étaient déjà vétérans dans l’univers de Toriyama.

Torishima : Le manga Dragon Ball avait un élan qui était très fort, et l’équipe d’animation était très forte, déjà habituée au trait de Toriyama, donc en lisant le manga, ils arrivaient à reproduire l’ensemble. Ca donne l’impression que chaque plan animé était difficile à faire, mais c’est véritablement grâce à un énorme travail d’équipe dirigé par monsieur Nakatsuru qu’on a obtenu le résultat qu’on connaît. On ne parle pas que de l’animation, mais même dans les jeux vidéo de Bandai Namco : ces jeux sont faits par des équipes qui adorent le travail d’Akira Toriyama, et c’est cet amour qui fait qu’on a une belle trinité avec les jeux qui sortent.

Torishima : Moi, je n’ai pas participé à Dragon Ball GT donc je ne peux pas donner mon avis. DBGT est arrivé quand Dragon Ball s’est arrêté. Il y avait quand même beaucoup d’acteurs concernés par Dragon Ball, comme les chaînes TV, Bandai Namco, différentes autres entreprises partenaires, et on était arrivé à un point où si Dragon Ball n’avaient pas continué encore un petit peu plus longtemps, on aurait eu des problèmes économiques. Le plus simple aurait été de demander à Akira Toriyama de continuer son manga, mais il venait à peine de le terminer, alors il n’y avait aucune chance pour qu’il accepte de continuer même encore un peu. La seule chose qu’on pouvait lui demander, c’était de créer les personnages, et de nous faire une intrigue simple. Par la suite, DBGT est arrivé parce qu’on a demandé à une équipe : « Voilà, avec ça débrouillez-vous ».

Toyotaro : Déjà en terme d’intrigue, DBGT se passe bien au-delà de ce qui passe dans Dragon Ball Super. Je pense qu’il y a pas mal d’éléments de GT qui se sont plutôt retrouvés dans Dragon Ball DAIMA. Je ne pense pas qu’il y ait d’idées qui m’aient influencées dans Dragon Ball Super. Il y a des éléments graphiques qui ont été repris dans DBS. Graphiquement parlant, DBGT c’était aussi une œuvre de Nakatsuru et de son équipe, et il y avait vraiment cette fidélité au niveau des dessins très proche du style graphique de Toriyama, qui m’a inspiré.

Toyotaro, Kazuhiko Torishima, et Katsuyoshi Nakatsuru
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Saiyuke
Saiyukehttps://www.db-z.com
Créateur et rédacteur du site, je traduis aussi les spoilers du japonais au français. J'anime nos pages Facebook et Twitter, et je réponds (vraiment) à tous vos messages privés ou mail, donc n'hésitez pas !
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